Cela remontait loin. Vingt ans, peut-être plus? J’ai un vague souvenir d’Évora Monte (ou Évoramonte, les deux appellations sont correctes). C’est un village que vous ne pouvez pas rater; perché sur une très haute colline, il est sans équivoque visible à des kilomètres à la ronde. Son étrange château, semblable à un gâteau de mariage, se dresse au-dessus des forêts de chênes-lièges de l’Alentejo. C’est l’une des rares villes fortifiées et, fait plus rare encore, avec un château.
Enfant, je m’étais fait une liste de tous les châteaux que je voulais visiter. L’Alentejo, cette région vallonnée limitrophe de l’Espagne, en compte un bon nombre. Quelques décennies plus tard, il était donc temps de retourner dans ce petit village encerclant un château massif pour voir comment les choses avaient changé.
Intemporel, ce qualificatif revient souvent sur les lèvres. Je suis certain que l’Alentejo se voit accoler souvent cette épithète. Mais ici, le mot est bien choisi. Les Romains, les Arabes, et même les Visigoths y ont laissé leurs traces. Les nouvelles techniques agricoles, les changements climatiques, les barrages et les nouvelles éoliennes ont certes modifié les paysages. Il est rassurant de croire que les choses ne changent pas. Si la région de l’Alentejo a changé, elle a su demeurer fidèle à ses origines.
Ici, au-dessus des forêts de chênes-lièges, à Évora Monte, les choses ont changé, mais pour le bien. Tout d’abord, le château n’est pas ce qu’il semble être. Le palais arrondi de la Renaissance a été entièrement reconstruit il y a quelque 70 ans, dans le cadre d’un vaste programme national de reconstruction d’églises, de monuments et de châteaux. Inspiré de l’original en ruines, il rappelle ce qu’était la vie au sommet de cette montagne il y a cinq siècles. Quant au petit village doté d’une seule route pavée à l’intérieur de ses murailles, il est bien réel.
Lors de ma première visite, le château m’avait paru pratiquement vide et le village déserté. Aujourd’hui, onze familles vivent dans le village; dans l’enceinte de ses remparts, une offre culturelle commence à émerger. En grimpant la route étroite qui mène jusqu’à la porte du château, des surprises m’y attendaient en la franchissant. Cela montre à quel point l’Alentejo a évolué. Une belle découverte est The Place At Evoramonte, une auberge très bien aménagée, sise dans quelques-unes des maisons d’origine. D’allure classique à l’extérieur, l’intérieur a été repensé et modernisé. Le couple Vicky et Mitch a délibérément choisi de faire de ce lieu une retraite très confortable. Des œuvres d’art rapportées de leurs voyages en Asie ornent les murs anciens; le mobilier, moderne, est confortable et les chambres sont climatisées. Mais ce qui remporte la palme, ce sont les panoramas grandioses des forêts de chênes-lièges de l’Alentejo qui s’étalent sur des kilomètres et des kilomètres. Les oiseaux planent haut dans un ciel sans nuages, la lumière du soleil, véritable œuvre d’art, inonde les plaines. Le coucher de soleil est un pur chef-d’œuvre; le seul son que vous entendrez alors est celui des cloches des moutons qui paissent tranquillement en contrebas du château.
Artesanato Celeiro Comum, à quelques pas de là, est l’atelier d’artisanat d’Inocencia Lopes. Vous y trouverez non seulement des reproductions des maisons blanches peintes à la main, mais aussi un large éventail de cadeaux. Les pavés de la ville comptent d’ailleurs plus de 60 de ces peintures réalisées par l’artisane. Et ce n’est que l’un des quelques ateliers enregistrés qui confectionnent les figurines d’argile d’Estremoz, inscrites sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Retracer l’évolution de ces figurines, c’est comme effectuer un voyage dans le temps, jusqu’à l’époque où l’on fabriquait des crèches pour raconter l’histoire du Christ. Comme un diorama, elles figurent aussi les gens de la place, les bergers, les fermiers et les gens de la campagne. Prenant vie dans l’imagination des artisans qui les ont représentés, ces personnages, à leur tour, s’inscrivent dans l’histoire. Les figurines représentent des commerçants, des citadins, des vendeurs de rue, mais figurent aussi des concepts plus abstraits (p. ex. l’amour est aveugle). Il faut compter une semaine pour fabriquer une figurine, depuis l’étape de préparation de l’argile jusqu’à la cuisson, en passant par la peinture et le séchage. L’artisanat ancestral des figurines d’argile est intimement lié à la région de l’Alentejo. Pour un prix tout à fait abordable, l’on peut se procurer une figurine unique au monde. Le processus de production de ces figurines nécessite plusieurs jours (une semaine). Les éléments composant la figurine sont assemblés avant d’être cuits dans un four à poterie. Elles sont ensuite peintes à la main et recouvertes d’un vernis transparent. Ces figurines portent les costumes locaux de l’Alentejo qui datent du 17e siècle. Il s’agit d’un artisanat traditionnel typique de la région centrale de l’Alentejo. La grande majorité des figurines décrivent des éléments naturels, des métiers, des événements locaux, des traditions et des légendes populaires.
De l’autre côté de la route, l’ancien hôtel de ville a très peu changé depuis le 18e siècle. Ervas de Evoramonte vend des plantes aromatiques, de l’huile d’olive, du miel et de la cire d’abeille, de l’huile biologique, du miel brut et de la cire; tous les produits sont fabriqués à partir des plantes aromatiques locales récoltées dans la région. On peut y voir un métier à tisser qui sert toujours à créer les mantas, ces châles traditionnels caractéristiques de la région. Cette boutique vend également des exemplaires de tapis traditionnels confectionnés dans les villes voisines.
* Jayme H. Simões est un blogueur de voyage au Portugal. S’il a grandi à Chicago, il connaît à fond le Portugal pour y avoir passé ses étés à l’explorer avec sa famille.